Histoire de la Bâtie

Propriété de la famille d'Urfé du XIIIe au XVIIIe siècle, le domaine de la Bâtie est un véritable témoignage de la Renaissance en Forez et porte encore aujourd'hui la marque de l'un de ses illustres propriétaires : Claude d'Urfé (1501-1558).

La Bâtie est aujourd'hui célèbre pour son ensemble décoratif du milieu du XVIe siècle composé d'une grotte artificielle et d'une chapelle, réalisé en grande partie par des artistes italiens. Mais elle aussi connue pour avoir inspiré certains lieux du roman de L'Astrée d'Honoré d'Urfé (1567-1625).

Ses jardins de style Renaissance sont également l'un des premiers à avoir été reconstitués à partir de données archéologiques et furent au coeur de la naissance d'une nouvelle discipline dans les années 1990 : l'archéologie des jardins.

Du domaine agricole à la maison-forte (XIIIe - XVe siècles)

À l’origine, le domaine de la Bâtie (ou la Bastie) n’est pas un domaine noble avec un château : il s’agit de terres relevant du prieuré bénédictin de Champdieu, près de Montbrison. La famille d’Urfé, établie dans la partie nord des Monts du Forez dans le château d’Urfé (appelé aujourd’hui le château des Cornes d’Urfé, à Champoly), n’en devient propriétaire qu’à la fin du XIIIe siècle par mariage avec la famille de Marcilly, important lignage de l’ancien comté de Forez. Au cours du XIVe siècle, la famille d’Urfé semble se désintéresser progressivement du château ancestral pour s’établir durablement dans la plaine du Forez. Les bâtiments primitifs (dont on ne conserve pas de vestiges) sont transformés pour devenir une maison-forte, c’est-à-dire un ensemble de bâtiments fortifiés plus modeste qu’un véritable château-fort comme celui d'Urfé ou de Couzan (Sail-sous-Couzan, Loire).

 

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                                                                               Le château des Cornes d'Urfé à Champoly (Loire)

La Bâtie au temps de Claude d’Urfé (1501-1558)

La maison-forte de la  Bâtie semble être une résidence fréquente de la famille d'Urfé au moins depuis le XIVe siècle et bénéficie de nouveaux aménagements au milieu du XVe siècle.

À la Renaissance, au tournant des XVe et XVIe siècles, la plupart des châteaux perdent leur fonction défensive et deviennent désormais des lieux exclusivement résidentiels, destinés à l’apparat et à la réception. Même si la Bâtie n'a jamais vraiment possédé de position militaire stratégique, elle suit cette évolution : Claude d’Urfé (1501-1558) transforme, dans les années 1540-1550, l’austère maison-forte familiale en une véritable demeure de plaisance dans le goût de la Renaissance, agrémentée de jardins réguliers. De ses voyages en Italie et dans la vallée de la Loire, où il a très certainement eu l’occasion de visiter de somptueuses demeures et les résidences royales, il rapporte l’architecture française et italienne de la première moitié du XVIe siècle au domaine de la Bâtie.

Homme d’État, érudit humaniste et mécène, Claude d’Urfé laisse une résidence unique, témoin de la Renaissance en Forez. La Bâtie témoigne d'une vision très personnelle de l'architecture d'un gentilhomme forézien et constitue une véritable collection d'images rapportées des importants foyers artistiques que furent le val de Loire, Fontainebleau et l'Italie du XVIe siècle.

 

Batie d'Urfe c. Dépatement de la Loire - Vincent Poillet

                                                          Le château de la Bâtie depuis l'avant-cour - © Département de la Loire

La Bâtie après la mort de Claude (fin XVIe siècle - début XVIIIe siècle)

Probablement en partie inachevé à la mort de Claude d'Urfé en 1558, le château de la Bâtie ne semble pas avoir été une résidence de ses successeurs immédiats, accaparés par leurs fonctions ou par les évènements, notamment les guerres de Religion. Pourtant, au regard des sources du XVIIe siècle, le château semble être une résidence officielle. En réalité, le château semble être davantage le souvenir de la splendeur d’une époque révolue, celle de la Renaissance, plus qu’un véritable lieu de résidence. Le domaine est célébré dans la littérature, par ses petits-fils Anne et Honoré ainsi que par le père Jacques Fodéré, mais davantage comme un lieu de curiosités.

Certains membres de la famille d'Urfé semblent toutefois y avoir séjourné, mais très peu d’entre eux laisseront une trace de leur passage à la Bâtie, restée quasiment intacte d’un point de vue architectural depuis les travaux du XVIe siècle. Charles-Emmanuel Lascaris d’Urfé, résidant essentiellement à Paris, est le dernier membre de la famille à marquer le château de son empreinte avec la décoration des plafonds à la française de la chambre d’apparat, notamment avec les blasons familiaux. 

Disparition de la famille d’Urfé et entrée en déshérence du château (fin du XVIIIe siècle – fin du XIXe siècle)

Amorcé dès la fin du XVIe siècle, malgré l'intérêt d'Honoré pour la demeure familiale et l'héritage de Claude, le délaissement du château semble se poursuivre jusque dans la première moitié du XVIIIe siècle. La famille d'Urfé s'éteint en ligne masculine et se fond dans la famille de la Rochefoucauld dès la mort du dernier représentant, Joseph-Marie d'Urfé en 1724. Cette famille réside essentiellement à Paris et ne semble pas vraiment s'intéresser à la Bâtie.

Criblés de dettes dans les années 1760, les derniers marquis héréditaires d'Urfé sont forcés de se désaisir du château. La Bâtie est dès lors cédée en 1764 à la famille de Simiane, prestigieux lignage d’origine provençale. Un premier projet d'industrialisation du domaine a été pensé par François-Louis-Hector de Simiane afin d'installer une blanchisserie en tirant profit du bief dérivant l'eau du Lignon jusqu'à la Bâtie.

À partir de 1778, le château est de nouveau cédé à deux familles successives, d'abord aux Puy de Mussieu puis à partir de 1835, aux Nompère de Champagny, connus par leur titre de ducs de Cadore obtenu sous le Premier Empire. Déjà délabré en 1872, le château est cédé à M. Verdolin, avocat-banquier ligérien. Le domaine connaît alors un second projet d'industrialisation, avec l'installation d'une féculerie.

En 1874, très endetté, M. Verdolin procède à la vente d'une très grande partie des décors du château et non des moindres : l’intégralité des décors de la chapelle commandés et installés par Claude d’Urfé au XVIe siècle (à l'exception des décors en stuc) sont cédés via des antiquaires puis dispersés dans diverses collections publiques et privées. Suite au départ de M. Verdolin, le château est cédé à M. Meyer puis abandonné pendant une trentaine d’années, malgré un passage dans les mains de la famille Courtin de Neufbourg.

Sauvetage du château par la Diana et valorisation patrimoniale (1909 à aujourd'hui)

La déshérence du château prend fin avec son rachat par la société historique de la Diana en 1909, après avoir frôlé la démolition. Classé au titre des Monuments Historiques le 25 octobre 1912, la Bâtie fait l’objet d’une série de campagnes de restauration menée à partir des années 1920, en priorité sur le château dans un premier temps. Un siècle plus tard, les restaurations successives ont permis à la Bâtie de retrouver une grande partie de son aspect du XVIe siècle.

À partir des années 1990, la Diana bénéficie du soutien du Conseil général de la Loire, devenu depuis le Conseil départemental de la Loire. Parallèlement à la valorisation du château, une attention particulière est portée aux jardins de Claude d’Urfé. Presque entièrement disparus lors du rachat de la Diana en 1909, une première reconstitution partielle des jardins du XVIe siècle est lancée dans les années 1950, puis d’autres sont menées après les fouilles archéologiques d’Anne Allimant-Verdillon, qui donnent une véritable impulsion dans la connaissance et la reconstitution des jardins Renaissance.

Depuis 2007, dans la continuité du travail de la Diana, le Département de la Loire œuvre à la préservation et à la valorisation patrimoniale du domaine de la Bâtie, témoignage de la Renaissance en Forez. Cette valorisation permet également de perpétuer la mémoire de la famille d’Urfé, qui laisse un héritage architectural, artistique et littéraire considérable.

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